Summary: Comparative Law as Interpretation and as Theory of Law1
by Otto Pfersmann2
(2001) Oxford U Comparative L Forum 4 at ouclf.law.ox.ac.uk | How to cite this article
(First published in: Revue Internationale de Droit Comparé (2001) 275-288 and in: Mireille Delmas-Marty (ed.), Variations autour d’un Droit Commun, Paris 2001)
Summary
As a scientific discipline, “comparative law” appears to operate on the following constitutive underlying assumptions: 1) comparative law is a transnational legal system; 2) it is an inquiry which allows us to unify different legal systems or parts of legal systems, or to anticipate a unification (or a homogenisation) which is an inherent part of our developing legal world; 3) it is the science of foreign legal systems; 4) it is a science which allows us to improve jurisdictional solutions. In this article I try to show why beliefs 1), 2) and 4) relate not to science but to politics in the guise of science and that 3) would reduce comparative law to legal science proper and unspecified. I then try to argue that comparative law, if there is anything specific to it, is the part of legal theory that allows us to understand normative structures in different contexts, and that its aim is of a classificatory rather than of an evaluative nature.
Le droit comparé est une discipline étrange. Longtemps considéré comme exotique et dépourvu d’incidence réelle, il affirme aujourd’hui sa place dans les cursus universitaires comme dans le travail des praticiens. Un zeste de droit comparé est devenu indispensable dans toute recherche doctorale et tout juge ou législateur consulte les données étrangères avant de s’aventurer dans la construction d’une nouvelle réglementation, dans la solution d’un cas inédit. Le droit comparé lui-même affiche dès lors de nouvelles ambitions et revendique toutes compétences en matière d’unification du droit et même d’authentification de la pertinence des solutions nationales. La «globalisation» du droit ainsi que l’interprénétration progressive des ordres juridiques, renforcée par l’avancée des ordres juridiques supranationaux semble ici donner toute sa légitimité à cette nouvelle démarche. Au regard d’une économie mondiale de plus en plus intégrée, les particularismes juridiques apparaissent comme des obstacles et l’on attend que le juriste les contourne avant que le comparatiste ne les abolisse. Pourtant après quelques grandes tentatives visant à constituer un corps de doctrine et une méthodologie pour cette étrange discipline, on constatera qu’elle progresse toujours de manière parfaitement chaotique et que peu de comparatistes s’accordent sur la nature même de leur objet. Ainsi le droit comparé a fait naître d’immenses espoirs, d’ambitieuses entreprises, mais il s’appuie toujours sur la plus faible des épistémologies3.
Si l’on en juge d’après les activités développées sous cette étiquette, les croyances suivantes, plus ou moins implicites, circulent de manière dominante au sujet du droit comparé: 1) c’est un système juridique transnational; 2) c’est une science qui permet d’unifier des droits différents ou d’anticiper l’unification (ou, à défaut, l’homogénéisation) inhérente à l’évolution des systèmes juridiques globalement considérés; 3) c’est la science des droits étrangers; 4) c’est une science qui permet d’améliorer la solution de cas juridictionnels.
La proposition 1) est rarement énoncée en tant que telle, mais elle constitue le fondement implicite des thèses 3) et 4) et parfois la justification implicite de la proposition 2). De toutes ces croyances, la deuxième est sans doute, reformulée de manière appropriée, la plus défendable, mais aussi la moins intéressante. Les autres expriment une conception selon laquelle la description d’un objet confère par elle-même une aptitude concrète de le produire selon ce qui serait objectivement le meilleur. Cette capacité ne serait donc pas un pouvoir simplement abstrait et théorique, mais l’exercice effectif d’une attribution normative. Et cette aptitude à modifier l’état actuel ne saurait être évidemment produire qu’une amélioration..
La proposition 4) constitue une application de la proposition 1) aux cas particuliers. Elle apparaît donc également comme une version moins forte et plus acceptable de cette thèse, dont elle est devenue l’énoncé de substitution. Comme elle suppose toutefois ce fondement et qu’elle en suit le sort, elle ne sera pas envisagée en tant que telle ici.
Il se pourrait évidemment que cette présentation soit caricaturale ou même fondamentalement erronée et seule une étude détaillée et véritablement compréhensive de la production «scientifique» parue sous l’étiquette du droit comparé pourrait en établir avec exactitude la pertinence. Elle sera donc admise ici, non en tant que vérité établie, mais en tant qu’hypothèse au moins plausible, sinon de la description d’une pratique au moins possible. La fréquente utilisation d’expressions aux connotations fantasmatiques multiples et confuses, telles que «ius commune» ou «droit global», pour des programmes de recherche ou des institutions universitaires, constitue en tout cas un puissant indice en ce sens.
Ce que décrit l’hypothèse des croyances dominantes, concerne un ensemble de pratiques qui se réclament du «droit comparé» et il ne s’agit nullement de mettre en cause l’usage linguistique d’un terme. Un problème terminologique et conceptuel ne peut naître que dans le cadre d’un discours scientifique, c’est à dire de la construction d’un domaine d’objet et de la description la plus objective et la plus précise possible des objets de ce domaine ainsi que de celle des rapports entre eux, en d’autres termes, là où l’on ne saurait se contenter du fonctionnement spontané du langage ordinaire. Dans une telle perspective, l’expression «droit comparé» ne peut être utilisée que pour qualifier soit une discipline juridique soit l’objet d’une telle discipline.
La thèse que l’on défendra ici est simple. Premièrement, le droit comparé n’a aucune compétence en matière de réglementations nouvelles ou de solutions de cas inédits I), deuxièmement, le droit comparé n’est pas l’étude des droits étrangers et dans un très grand nombre de cas l’étude des «droits étrangers» n’est même pas celle des droits étrangers II), troisièmement et surtout son objet mais non sa méthode rejoint celui de la théorie du droit , et il possède, pour cette raison, une fonction critique et, éventuellement, technologique III).
I L’utopie prescriptive
Certaines conceptions du droit comparé procèdent de l’illusion du juriste-législateur, soit par la projection d’un ordre idéal A), soit en revendiquant la compétence de sa production B).
A) Le droit comparé n’est pas un ordre juridique
La première croyance constitue une affirmation ontologique. Les ordres nationaux sont des illusions, le droit véritable est déjà unique et il revient au droit comparé de le présenter. Elle résulte d’une confusion conceptuelle. Il n’y a pas de système transnational. Le droit comparé n’est pas un ordre juridique du tout, mais une discipline. Il suppose une pluralité d’ordres juridiques entre lesquels on établit des «comparaisons»; et s’ils sont plusieurs, il ne peuvent trivialement pas former, en ce sens, un seul. En effet, même s’il existe un ordre juridique composé de plusieurs ordres juridiques, il ne s’agira jamais de quelque chose qui est un et multiple en un sens juridiquement intéressant. Ou bien en effet, il n’existe qu’un seul système juridique ou bien il en existe plusieurs. S’il n’existe qu’un seul, le problème ne se pose pas, s’il en existe plusieurs, la solution prosposée (un système transnational et par conséquent unique) est par hypothèse exclue. Toutefois, les choses peuvent être plus compliquées dès lors que l’on admet des sous-systèmes comme il en existe dans tout système d’un certain degré de complexité. Mais cela revient au même, car ou bien ces sous-systèmes sont de même rang et alors aucun d’eux n’est subordonné à l’autre et il y aura pluralité ou bien ils ne le sont pas et alors l’on retombe dans le cas de l’unité. Cela n’exclut cependant pas que des systèmes de mêmes rangs s’unissent pour n’en former qu’un seul ou que des systèmes de rang différents bénéficient, les uns par rapport aux autres, d’une autonomie plus ou moins forte, c’est à dire de la capacité de s’organiser eux-mêmes, pouvant aller jusqu’à un certain degré de contrariété par rapport aux règles du système de rang supérieur. Mais la question de l’autonomie suppose que l’on se situe dans le cadre d’un système unique. En revanche, un système qui serait en tant que tel composé de plusieurs systèmes ne serait donc autre chose qu’un ensemble comportant plusieurs éléments sans rapport entre eux.
Cela tient à l’ontologie des systèmes juridiques. Ils sont formellement fermés et matériellement ouverts. Toute norme juridiquement valide appartient au système considéré parcequ’une autre norme du même ordre lui attribue cette propriété; et uniquement les normes produites selon les formes prévues appartiennent à un ordre juridique donné. En revanche, tout contenu d’une norme juridique simplement possible peut devenir celui d’une norme d’un système juridique actuel, à moins qu’une norme déjà en vigueur dans ce système s’y oppose. Lorsqu’on étudie du droit, on analyse un ou plusieurs de ces systèmes. On décrit le droit français, italien, japonais, américain etc. C’est à dire que s’il existe un droit français et un droit américain, c’est que l’un n’est pas valide dans l’autre. Le droit allemand n’est pas en tant que tel valide en France, le droit italien n’est pas valide au Royaume Uni, la morale protestante n’est pas juridiquement valide aux Pays-Bas, mais chaque ordre juridique peut intégrer des contenus valides dans des ordres différents : si un système intègre telle ou telle donnée d’un autre, celle-ci sera valide dans le système qui l’intègre, en tant que règle de ce système, en raison des règles de ce système qui ont permis cette opération et non en raison de la nature intrinsèque de la règle intégrée ou en vertu des règles du système dont elle provient. Les règles d’intégrations peuvent présenter un degré très élevé de complexité, surtout par l’institution de nouvelles procédures permettant de produire de telles règles, mais cela ne change rien à la clôture des systèmes.
On pourra évidemment invoquer l’exemple du droit communautaire ou d’autres formes de droit supranational. Mais le droit supranational n’est pas du droit qui relèverait d’un système «transnational», il s’agit d’un système international régional fort au sens où les normes produites dans ce système non seulement s’imposent aux différents sous-systèmes (les Etats-membres), mais encore où certaines catégories d’entre elles s’imposent directement aux destinataires des sous-systèmes et même avant celles de ces sous-systèmes. Il s’agit donc simplement, pour les ordres nationaux, d’un cas d’autonomie sectoriellement très affaiblie ou même éliminée.
Il se pourrait alors que l’ontologie présupposée de la clôture des chaînes de validité soit tout simplement erronée ou qu’elle ne constitue en tout cas nullement le seul modèle concevable. La première objection est faible, car il s’agit d’une ontologie constitutive et non de données de l’observation ou résultant d’une incertaine procédure de recherche. La deuxième constitue une difficulté extrêmement sérieuse. Car évidemment, s’il est permis de déterminer les propriétés constitutives d’un objet, rien n’empêche de le faire d’une autre manière que celle proposée ici.
Mais le problème ne fait alors que s’inverser et c’est l’expression «droits nationaux» ou «systèmes juridiques» que l’on ne comprend plus. Le comparatiste au sens de la proposition 1) s’intéresse par hypothèse à une pluralité simultanée de systèmes en tant que système unique. Pour que son objet soit intéressant, il faut qu’il conserve les éléments des systèmes multiples tels qu’ils sont traditionnellement conçus. Or, tels qu’ils sont traditionnellement conçus et quelles que soient les nombreuses et importantes différences entre de telles conceptions par ailleurs, les différents systèmes juridiques ne sont justement pas regardés comme formant simultanément un système unique (sauf au sens trivial qu’ils constituent tous des éléments d’un ensemble ou des sous-systèmes de rang égal). Il reviendrait donc à un tel comparatiste de présenter l’ontologie alternative qui permettrait de rendre simplement concevable la proposition 1).
B) Le droit comparé n’est pas la science d’une législation transnationale
Conceptuellement incohérente, la thèse 1) donne l’illusion de l’existence d’un ordre idéal où seraient rassemblées les «meilleures» solutions des différents systèmes positifs. Si l’on reconnaît qu’il s’agit actuellement d’une utopie, on cherchera à montrer qu’il existe un savoir qui permet d’en faire avancer la réalisation. Mais l’on ne fait que transposer les difficultés.
La thèse 2) constitue une concession par rapport à la première. S’il revient à une discipline d’unifier le droit, c’est qu’il ne l’est pas encore. Elle est toutefois compatible avec une version affaiblie de la croyance en un ordre transnational qui considère qu’un tel ordre existe déjà, mais qu’il n’est pas encore ce qu’il devrait être. Elle lie implicitement une thèse épistémologique (un cognitivisme juridique : l’expert des règles positives sait ce que sont les règles idéales) à une thèse ontologique (ce savoir produit les règles). Elle constitue une variante du sophisme naturaliste induisant l’habituel fantasme du juriste de se croire producteur de règles idéales dans la mesure où il est expert de règles positives.
La fascination qu’exerce le droit comparé comme science et simultanément comme exercice d’une nouvelle législation, transcendant les frontières et les obstacles inutiles, articulant et renforçant l’élan naturel des choses elles-mêmes avait déjà été à l’æuvre lorsque la discipline (au sens large) apparaît vers la fin du dix-neuvième siècle. Il est évidemment difficilement contestable qu’il existe aujourd’hui, par exemple, de fortes volontés d’homogénéiser toutes les branches du droit en jeu dans l’échange de biens, de services et de capitaux, surtout transnationaux, jusqu’aux normes pénales visant à réprimer certains actes illégaux en rapport avec ces échanges. Il s’agit d’ailleurs d’une évolution circulaire puisque chaque nouvelle régulation répondant aux demandes d’homogénéisation, d’unification et de facilitation (et de répression des actes illégaux dans le cadre de ces opérations) engendre à son tour des opérations faisant naître de nouveaux besoins d’unification et de facilitation. Un développement similaire est observable dans tous les domaines où des instances nationales sont confrontées à des questions présentant, au moins dans une certaine mesure, des ressemblances avec des problèmes que rencontrent des instances nationales plus ou moins semblables dans d’autres contextes et dans d’autres pays. Le critère intuitif de la ressemblance constitue le point de départ de l’émergence de réseaux de juridictions adoptant des pratiques décisionnelles communes. Et là aussi, le phénomène est circulaire, car dès qu’un réseau existe, la volonté de se conformer à ses règles fait naître le besoin d’en renforcer le fonctionnement.
Même si ces phénomènes existent et gagnent en ampleur, il n’en résulte pourtant rien quant à la question de savoir comment le droit doit être, il ne s’ensuit pas non plus qu’il devrait être ce que sa pratique transnationale est actuellement devenue ou en train de devenir. Cette question demeure une question parfaitement ouverte, relevant de la philosophie politique, et l’observation ainsi que la description d’une harmonisation, d’une unification et d’une mise en réseau progressive n’apporte aucun élément à sa réponse, car le problème est précisément celui de savoir dans quelle mesure le droit devrait être harmonisé ou unifié ou dans quelle mesure, sous quelles conditions et selon quelles modalités il devrait favoriser les échanges. Si le comparatiste revendique en revanche une compétence en matière d’adaptation de règles à l’objectif de «favoriser les échanges», il admet d’emblée que la détermination de la fin lui échappe et que sa compétence est strictement instrumentale.
Il est par ailleurs parfaitement possible que des comparatistes aient non seulement le désir de faire de la politique, mais aussi qu’ils soient effectivement chargés de participer à des travaux de jurislation, mais ce fait ne change rien à celui que ce n’est pas en tant que comparatistes qu’ils possèdent ici une compétence spécifique autre que celle consistant dans l’adaptation des moyens aux fins données.
II La confusion descriptive: le droit comparé n’est pas la science des droits «étrangers»
Faire du droit comparé l’étude des «droits étrangers» priverait la discipline de tout contour décidable. La proposition 3) résulte de la confusion entre le domaine de validité d’un ordre juridique A) et le domaine d’objet de la science du droit B).
A) Le cadre d’application contingent
Le droit comparé n’est pas un ordre juridique mais une discipline. Or, pour les comparatistes qui renoncent à la proposition 1) le problème consiste justement dans la détermination exacte de son objet. Traditionnellement, l’on propose comme tel la présentation des «droits étrangers» et parfois des «grands systèmes de droit». Rien n’empêche évidemment de conférer l’étiquette de «droit comparé» à un cours ou un à ouvrage concernant le droit espagnol professé ou paru en France (ou l’inverse), à condition que l’on reconnaisse explicitement qu’il s’agit uniquement d’un synonyme strict du terme «droit étranger» ce qui a pour conséquence que tout ouvrage étranger devient un ouvrage de droit comparé dès qu’il subit un transfert géographique, un document stocké sur un serveur étranger devient du droit administratif ou commercial national, s’il apparaît sur un écran national ou s’il est imprimé sur un appareil situé sur le territoire du pays en question, il se transforme en droit administratif ou commercialcomparé, dès lors que l’on fait appel à lui à partir d’un endroit extérieur à cette sphère.
Une telle conceptualisation est possible mais dénuée d’intérêt puisqu’elle n’est qu’une fonction contingente de l’endroit où se trouve un ouvrage, un lecteur ou de celui où se déroule un enseignement. Le droit comparé serait simplement une expression indexicale comme «moi» ou «ici», dont la signification dépend des paramètres de la situation où elle est utilisée. Ce n’est que la conséquence du fait qu’il existe différents ordres juridiques en différents lieux et à différents moments. Une telle conceptualisation prête par ailleurs à confusion, au moins pour autant que la synonymie stricte entre droits étrangers et droit comparé n’est justement pas entièrement établie comme une évidence dans le discours scientifique. On ne pourra donc éviter que l’on se demande s’il n’existe pas un autre droit comparé à côté de celui qui est en vérité l’étude des droits étrangers ou s’il n’existe pas une autre discipline consacré aux droits étrangers à côté de celle qui se nomme «droit comparé ». Pour des raisons de clarté, on retiendra par conséquent ici le terme «droits étrangers» pour les systèmes autres que les droits nationaux respectifs.
Le fait que l’on appelle l’étude des droits étrangers «droit comparé» ne fait que connoter le fait que la plupart des disciplines juridiques sont encore et toujours marquées par un très fort tropisme national et que le droit du pays X enseigné et décrit au pays X est considéré comme le droit tout court. Et en effet, si l’on veut savoir, au pays X, quel recours il est possible de former contre un acte administratif illégal ou quelle action il est possible d’intenter aux fins d’annulation d’un contrat contenant une clause abusive, il convient encore et toujours de rechercher quelles sont les règles «nationales» pertinentes.
Cela ne change strictement rien, si pour le cas en question, la règle applicable est en vérité une norme d’un autre pays, car «en vérité» veut alors tout simplement dire que selon les règles du pays X, il est possible (ou obligtoire) d’appliquer sous certaines conditions des règles d’autres pays en tant que règles nationales, en d’autres termes qu’il y a intégration de normes étrangères dans le droit national. L’une des raisons pour lesquelles il existe aujourd’hui une conjoncture particulièrement favorable au droit comparé au sens de la proposition 3), c’est que les cas où le droit national respectif permet (ou rend obligtoire) l’application de règles d’origine étrangère par intégration et les cas où ces habilitations sont effectivement utilisées deviennent de plus en plus fréquents. Mais ceux qui tournent ici leur regard vers les droits étrangers au titre du «droit comparé», n’analysent même pas les droits étrangers en tant que tels, ils étudient simplement des cas spécifiques d’application du droit national, tout comme celui qui classifie les cas d’application d’une clause de bonne mæurs intégrant certaines normes d’origine extrajuridique dans le droit national. C’est l’actualisation croissante de potentialités des droits nationaux qui commande principalement aujourd’hui l’élargissement des connaissances juridiques internes classiques.
B) Un domaine transnational de connaissance
S’il existe un intérêt national accru à étudier les droits étrangers en tant qu’ils contiennent potentiellement des normes du système juridique de départ donc en tant qu’il s’agit de droit national élargi, cela ne change rien au statut des droits étrangers en tant que tels et cela laisse entièrement ouverte la question de savoir à partir de quels points de vue il convient de les étudier. Toujours est-il que toute connaissance des droits étrangers suppose qu’ils soient analysés en tant que tels, c’est à dire du même point de vue que n’importe quel système normatif juridique, en examinant quels comportements humains sont obligatoires, permis ou interdits sous quelles conditions. Comme la différence du cadre de référence n’est qu’un fait indexical contingent, il n’existe aucune différence de nature entre la présentation d’une règle concernant le domaine D du système X (si les conditions C1-Cn se produisent, alors les actes A1-An sont obligatoires etc.) et la présentation d’une règle concernant le domaine D du système Y. Rien ne distingue les énoncés juridiques que l’on pourra former en vue de formuler la réponse. L’ajout «en droit du pays X» n’est qu’une spécification nécessaire en vue d’identifier le cadre de référence, tout comme on dirait, «Les règles de l’Association des Amis Indéfectibles du Droit Comparé prévoient l’élection de leur secrétaire général par tous les membres au scrutin majoritaire à deux tours» et «Les règles de l’Association des Ennemis Inconditionnels du Droit Comparé prévoient l’élection de leur secrétaire général au scrutin majoritaire à un seul tour des présidents de fédération » en se référant aux normes statutaires de deux associations différentes relevant du même système juridique. Les énoncés concernant la responsabilité civile française ont le même statut épistémologique que ceux qui concernent la responsabilité civile hongroise ou sénégalaise. Le fait d’étudier les conditions de validité d’une garantie bancaire en droit péruvien, polonais et indien relève ainsi de la discipline juridique au sens large, spécifiée au regard des ordres particuliers en question. En tant que telle, l’analyse des droits étrangers n’est que l’analyse de différents ensembles de normes.
De ce point de vue, la qualification d’«étranger» est purement relative et contingente et ne possède aucune valeur conceptuelle intrinsèque. Est étranger tout simplement ce qui, pour une question juridique donnée dans le cadre d’un système Si en vigueur sur le territoire Ti au moment t, n’est pas valide pour ce territoire, mais qui l’est dans le cadre d’un système Sj pour un territoire Tj. Si l’on exclut les cas des droits supranationaux ou du droit international, tout droit est par conséquent étranger ou national selon le système de référence choisi. Le droit comparé ne peut donc être l’étude des droits étrangers.
D’un point de vue scientifique abstrait, le système national n’a aucun privilège comparatiste par rapport aux autres ordres juridiques. La seule propriété qui le distingue consiste en son domaine de validité, c’est à dire en ce qu’il livre les éléments de la solution des questions pour les situations qu’il définit. Mais ce privilège indexical contingent, motivant assurément l’intérêt très différent que l’on peut prendre dans la connaissance des règles de tel ou tel système, n’est que juridique et psychologique, il ne définit aucune spécificité scientifique. Ce que cela montre c’est seulement que la science du droit est toujours l’étude de tous les droits et que c’est la limitation au seul droit national qui est antiscientifique (s’expliquant par des raisons pratiques et psychologiques) et non pas l’étude des droits étrangers qui serait un élargissement de la perspective vers un champ nouveau et inédit.
On pourrait toutefois affirmer que puisque justement le droit est toujours tous les droits, rien n’interdit non plus la limitation du domaine d’investigation au seul droit national étant donné que les questions auxquelles on est sensé répondre se posent précisément dans ce cadre et non dans un autre. On pourrait par ailleurs invoquer l’argument développé plus haut selon lequel la plupart des problèmes attribués au champ du droit comparé ne relèvent même pas du droit étranger mais simplement des règles intégrées. Si le droit comparé existe et s’il ne s’agit pas de la science des droits étrangers, si enfin la solution scientifique des problèmes juridiques se situe dans le cadre de référence, certes contingent, mais actuel, dans lesquels ils sont posés, alors la nature de ce droit comparé demeure parfaitement obscure et entièrement inutile. Il s’agira par conséquent de montrer que non seulement le domaine du droit comparé se laisse formuler de manière tout à fait intelligible, mais encore que son étude est un élément nécessaire de la connaissance des droits nationaux.
III L’interpretation de la science des droits
La problématique du droit comparé se ne nourrit pas en tant que telle de la diversité des ordres juridiques et de leur description scientifique abstraite, mais de la nécessité de formuler concrètement ces descriptions. Cette exigence produit des «interprétations conceptuelles différenciées» A) et conditionne une description objective des droits nationaux B).
A) La fonction explicative
La science du droit est la science de tous les droits, mais elle se heurte à deux obstacles: la pluralité des langues naturelles et la différence entre les niveaux de langage.
Jusqu’à présent, l’on a considéré la science des droits implicitement d’un point de vue abstrait comme l’ensemble des propositions descriptives des normes des ordres juridiques en vigueur. Mais puisque leur formulation se fait à l’aide d’énoncés dans les langues ordinaires ou semi-ordinaires concrètes l’on est aussitôt confronté au problème traditionnel de la signification exacte de ces énoncés.
5) «The president enjoys immunity, except in case of high treason»
exprime, dira-t-on, la même proposition que
6) «Le président bénéficie de l’immunité, sauf le cas de haute trahison».
Le cas semble simple parce que les mots utilisés dans les énoncés relèvent des mêmes origines latines, induisant ainsi l’idée qu’ils expriment les mêmes concepts.
En revanche, les deux énoncés suivant pourraient faire naître l’impression qu’ils articulent, chacun, des propositions entièrement différentes:
7) «Die Grundrechte binden die öffentliche Gewalt»
8) «Les droits constitutionnellement garantis limitent les attributions de tous les organes dotés d’une habilitation de jurislation unilatérale»
et que la proposition exprimée par 7) en allemand serait bien mieux rendue en français par
9) «Les droits fondamentaux lient la puissance publique».
Mais dans le premier cas, il se pourrait que «president» et «président» désignent des organes tout à fait différents et que «immunity» se réfère à un privilège de juridiction et «immunité» à une impunité pure et simple, et dans le deuxième cas il se pourrait que «Grundrechte» ne soit justement que l’abréviation de «verfassungsgesetzlich gewährleistete Rechte» (droits constitutionnellement garantis) et «droits fondamentaux» celle de «droits protégés par la présente convention internationale».
La science des droits demeure une entreprise abstraite aussi longtemps que les propositions normatives sont exprimées dans des langues naturelles différentes et que la faculté de les comprendre toutes est naturellement limitée. Il est toujours possible de restreindre le corpus à quelques langues que l’on juge particulièrement importantes, mais la qualification d’importante résulte simplement de l’ignorance de ce qui est exclu de ce corpus et elle ne constitue qu’une autre version de la préférence pratique mais non-scientifique pour le cadre juridique national. La science des droits demeure ainsi concrètement suspendue à la possibilité de traductions et il n’y aura traduction que dans la mesure où un énoncé Pi d’une langue naturelle Li peut être rendu salva significatione par un énoncé Pj d’une autre langue naturelle Lj.
La possibilité d’une traduction déterminée a certes été radicalement mise en question en philosophie du langage depuis les travaux de Williard V.O. Quine4. Mais même si l’on admettait cette conception, cela suppose qu’une traduction est en principe possible et que la détermination peut avancer par approximations progressives, même si elle ne devait jamais rejoindre une équivalence stricte.
La difficulté principale d’une traduction semble résulter de la complexité des contextes puisque pour traduire une expression, il faudrait fournir une explication du contexte de la langue de départ dans la langue d’arrivée et qu’une telle explication exige à son tour une formulation faisant appel à des éléments contextuels de la langue d’arrivée introduisant une nouvelle complexité et s’écartant progressivement de la langue de départ. Mais l’on peut très facilement pousser la difficulté plus loin, car rien n’empêche qu’une même langue naturelle serve de cadre linguistique à l’expression d’ordres juridiques différents. Le français, l’anglais, l’allemand, le russe donnent chacun accès à plusieurs systèmes de normes. Cela semble apparaître nettement lorsque les terminologie sont différentes, mais en fait cela peut parfaitement aller de pair avec l’utilisation d’expressions identiques (le Conseil d’Etat français n’est pas le Conseil d’Etat belge et le Bundespräsident allemand n’est pas le Bundespräsident suisse ou autrichien) alors que des termes différents peuvent tout à fait fonctionner comme synonymes (le terme Grundrechte utilisé par la Loi fondamentale allemande signifie la même chose que verfassungsgesetzlich gewährleistete Rechte, utilisé par la Loi constitutionnelle fédérale autrichienne). La question de savoir quelle proposition est exprimée par quel énoncé n’est donc nullement limitée aux problèmes de traduction entre deux langues semi-ordinaires, mais se pose pour n’importe quel énoncé exprimant une proposition normative dans n’importe quel langue. Le droit comparé naît du travail de reconstitution des contextes.
Les questions de traduction sont donc liées aux problèmes de l’interprétation pour quelque langue naturelle que ce soit. Une interprétation est un énoncé dont l’objet est la signification d’un autre énoncé quelque soit le degré de satisfaction auquel il est possible de parvenir. C’est l’objet de la théorie de l’interprétation qu’il convient de ne pas confondre avec la «théorie réaliste de l’interprétation» qui estune théorie sceptique de l’interprétation, c’est à dire une conception qui entend montrer que l’accomplissement de la mission que se donne l’interprétation est impossible et qui développe les conséquences de cette thèse5.
Lorsque le juriste décrit un ordre juridique, il procède à une interprétation des énoncés exprimant les propositions normatives constituant ce système. La théorie de l’interprétation devra par conséquent fournir des concepts et des méthodes permettant de parvenir à des énoncés interprétés de plus en plus précis. En tant que théorie de la description des ordres juridiques, elle est par conséquent un élément de lathéorie du droit, si par «théorie du droit» on entend la métathéorie de la science du droit. Mais la science du droit, avions-nous dit, est la science de tous les systèmes juridiques et ces systèmes sont composés d’un très grand nombre d’énoncés exprimant des propositions normatives6. Si l’on veut s’orienter dans l’ensemble des systèmes juridiques, il faut par conséquent des concepts suffisamment fins et suffisamment généraux en vue d’appréhender une multitude de structures possibles. Le droit comparé ne fait qu’imputer les concepts théoriques de structures possibles à des ordre juridiques actuels en ajoutant «en droit français», «en droit communautaire» etc. On appellera le résultat de ce travail une « interprétation conceptuelle différenciée»
Ainsi on introduira par exemple « constitution formelle» (ou un autre terme que l’on jugera plus approprié) pour désigner le concept d’une certaine structure normative que l’on trouve dans certains ordres juridiques sous les appellations les plus différentes et «droits fondamentaux» (ou un autre terme que l’on jugera plus approprié) pour une certaine catégorie de normes formellement constitutionnelles que l’on trouvera également sous les appellations les plus différentes7. L’on pourra alors dire que les «Grundrechte» contenu dans la «Grundgesetz» allemande sont des droits fondamentaux, alors que les «human rights» du «Human Rights Act» du Royaume-Uni ne le sont pas.
On pourra dès lors appeler « droit comparé» la discipline qui permet de décrire les structures de n’importe quel système juridique à l’aide de concepts généraux présentant la finesse nécessaire et suffisante.
Elle permet ainsi d’interpréter les énoncés de la science du droit qui n’a besoin que des concepts appropriés àchacun des systèmes qu’elle décrit et pour lequel elle développe l’ensemble des solutions possibles des cas qui s’y présentent. La science du droit dira que les «human rights» sont ceux qui sont définis comme tels dans le statute «Human Rights Act» dans l’ordre juridique du Royaume-Uni; le droit comparé interprétera ces human rights comme des libertés publiques ou des droits subjectifs protégés par le législateur contre des violations résultant de normes infra-législatives par la voie de recours juridictionnels ou par d’autres concepts généraux que l’on jugera plus fins.
Le droit comparé ainsi entendu doit par conséquent permettre de qualifier n’importe quelle structure de n’importe quel ordre juridique en le différenciant de n’importe quelle structure de n’importe quel autre (ou du même) ordre juridique. Cette discipline sera donc d’autant plus comparatiste qu’elle permettra de différencier plus finement entre des structures possibles. .
Cela permet d’expliquer l’extrême intérêt que les comparatistes portent parfois à des textes de théorie du droit (par exemple sur la «justice constitutionnelle»), même s’ils considèrent (à tort, mais pour des raisons qui tiennent peut-être aux malentendus analysés plus haut) que leur domaine est entièrement différent de ce champ8, alors que d’autres théories au potentiel explicatif plus faible suscitent une réception comparatiste beaucoup plus limité9.
B) La fonction critique
En tant qu’il décrit des structures juridiques à l’aide de concepts généraux, le comparatiste élimine les connotations extrajuridiques des énoncés non interprétés et il les identifie dans un espace continu de variantes10. Si l’usage des noms de concepts par les doctrines juridiques nationales tend à naturaliser et à rationaliser les données des systèmes respectifs de référence, le droit comparé situe n’importe quelle donnée de n’importe quel droit positif national dans l’ensemble des structures possibles et réduit par conséquent l’idée d’exclusivité intrinsèque qui pourrait s’y attacher. En effet, les solutions nationales sont issues de débats politiques et de contextes extrajuridiques spécifiques qui se prolongent dans les conceptions juridiques nationales mais qui disparaissent dans une perspective comparatiste. Il se peut évidemment que le « comparatiste» utilise le «droit comparé» en vue de justifier des positionspolitiques dans un débat national. Cet abus idéologique d’un discours à prétention explicative mais au fonctionnement prescriptif en vue de propager l’adoption de certaines solutions en droit national ou afin de revendiquer une position de législateur transnational est certes fréquent, mais ne dit évidemment rien sur le droit comparé tel qu’il est introduit ici.
Le droit comparé est dès lors l’instrument le plus puissant pour décrire le droit national. Puisqu’il n’y a que des interprétations conceptuelles différenciées, il est possible de qualifier précisément les structures du droit national sans emprunter la terminologie, chargée de connotations extra-juridiques, à l’aide de laquelle il est lui-même formulé. Ce qui s’appelle F selon les énoncés normatifs du droit national pourrait bien être G dès lors que l’on reconstitue le contexte (les human rights pourraient n’être que des «libertés publiques» et non des «droits fondamentaux», comme le sont en revanche devenu les droits de l’homme français depuis 1971 etc.).
Le droit comparé est en même temps le plus important catalyseur de questions théoriques. Confronté à l’extrême diversité des situations concrètes, il convient d’en donner une interprétation conceptuelle différenciée. Une réflexion théorique peut anticiper des développements futurs, mais souvent ce sont des solutions élaborées dans un cadre juridique actuel qui provoquent une analyse en termes généraux permettant de situer ces phénomènes dans un ensemble plus vaste et plus précisément classifié. En ce sens, le droit comparé s’alimente de l’observation la plus compréhensive des droits nationaux sans y être réductible. Il suppose, mais n’est pas la connaissance des droits (national et étrangers) et en est l’interprétation conceptuelle différenciée.
IL s’ensuit enfin que le droit comparé peut en effet jouer un rôle important dans la technologie de la production normative. Si l’on peut établir que telle structure juridique emporte telles conséquences sous telles conditions latérales et si l’on arrive à la conclusion morale que ces conséquences sont souhaitables, alors cette structure juridique est également moralement souhaitable. A l’inverse, s’il apparaît qu’une norme juridique possible mais non actuelle est moralement souhaitable si elle est considérée isolément, mais qu’elle entraîne des conséquences moralement non-souhaitables si elle est intégrée dans un certain contexte juridique, alors il n’est pas moralement approprié de produire cette norme. Avec la théorie du droit, le droit comparé élargit par conséquent doublement la responsabilité morale des législateurs: il est moralement irresponsable de ne pas étudier les structures juridiques possibles et il est irresponsable de ne pas tenir compte des résultats de ces analyses. Le comparatisteen tant que comparatiste possède ici une compétence technologique au sens où il peut mettre les objectifs souhaités en rapport avec les contraintes structurales appropriées.
Footnotes
1 First published in: Revue Internationale de Droit Comparé (2001) 275-288 and in : Mireille Delmas-Marty (ed.), Variations autour d’un Droit Commun, Paris 2001
2 Professeur à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne et Directeur adjoint de l’Institut de Droit Comparé, University of Oxford.
3 Il serait d’ailleurs difficile d’en trouver une élaboration très poussée. Si l’on regarde par exemple le très intéressant ouvrage de Basil Markesinis, Foreign Law and Comparative Methodology: a Subject and a Thesis, Oxford Hart Publishers 1997, on y trouvera de très belles études de droit comparé, mais non à proprement parler, une méthodologie, si ce n’est le précepte de détruire les mythes concernant les droits étrangers (p. 37). Cette tâche est certes essentielle comme l’est d’une manière générale la critique de fausses croyances pour toute entreprise scientifique, mais elle réduit le droit comparé à la description des droits étrangers ce qui, selon la thèse qui sera défendue ici, appauvrirait considérablement son objet..
4 Elles se trouvent exposées par exemple in Quine: Word and Object, Cambridge Massachussetts, MIT Press 1960, p. 26sqs.
5 En tant qu’elle ne concerne que la possibilité d’une interprétation suffisamment exacte, elle admet par conséquent l’existence d’interprétations. La théorie réaliste insiste sur le fait que l’interprétation au sens introduit ici n’a pas de valeur normative ce que l’on peut aisément concéder puisqu’édicter une norme et décrire la signification normative d’un énoncé sont deux choses entièrement différentes, elle revendique en revanche le statut d’«interprétations authentiques» pour des actes normatifs particuliers ce qui paraît problématique pour exactement la même raison.
6 Il s’agit évidemment d’une simplification si l’on admet que des comportements non linguistiques peuvent produire des normes comme dans le cas de la coutume. En tant que norme, une règle coutumière peut néanmoins être décrite par des énoncés exprimant une proposition normative.
7 Cf. Otto Pfersmann, «Esquisse d’une théorie des droits fondamentaux», in: Droits des libertés fondamentales (dir. Louis Favoreu, Précis Dalloz, Paris 2000).
8 C’est ainsi que les travaux (théoriques) de Kelsen sur la justice constitutionnelle ainsi que la thèse (très théorique) de Charles Eisenmann sur le système autrichien de 1925 sont toujours lus, commentés et critiqués comme des textes classiques de droit comparé (Hans Kelsen: «Wesen und Entwicklung der Staatsgerichtsbarkeit » , Veröffentlichungen der Vereinigung der Deutschen Staatsrechtslehrer 1928, reproduit in: Die Wiener Rechtstheoretische Schule, vol 2. Vienne 1968, p. 1813 sqs., version française de Charles Eisenmann: «La garantie juridictionnelle de la constitution», in: Revue du Droit public et de la science politique en France et à l’Etranger 1928, ainsi que, évidemment, Théorie pure du droit (trad française Paris Dalloz; 1962, LGDJ 1999 ; Charles Eisenmann, La justice constitutionnelle et la Haute Cour constitutionnelle d’Autriche, Paris 1928, (Reprint Economica Paris 1986)).
Cela explique aussi pourquoi certains auteurs français ont essayé de montrer (à tort, selon nous) que les concepts théoriques relatifs à la hiérarchie des normes ne sont pas applicables au droit français :ils contestaient leur pertinence comparatiste (cf- Otto Pfersmann, « Carré de Malberg et la < hiérarchie des normes >», in: Revue Française de Droit Constitutionnel no. 31 (1997), p. 481-509).
9 La remoralisation de la théorie du droit vigoureusement propagée par les travaux de Ronald Dworkin en constitue l’exemple le plus frappant. Il s’agit principalement de la présentation de thèses prescriptives locales (par exemple: comment convient-il d’interpréter moralement le quatorzième amendement à la Constitution des Etats-Unis ? ). Leur valeur explicative est d’autant plus faible que la possibilité même d’introduire des concepts théoriques neutres se trouve même explicitement rejetée (c’est la thèse fermement défendue par Dworkin dans sa récenteHart Memorial Lecture : «Hart’s Postscript», Oxford 13 février 2001).
10 Ainsi, le fédéralisme est réduit à un cas de décentralisation (cf. Otto Pfersmann, «Hans Kelsen et la théorie de la centralisation et de décentralisation: le cas de la supranationalité», in: Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande., 28 (1996), p. 171- 185), la législation à une application de la constitution, la «séparation des pouvoirs» à une hiérarchisation et à une différenciation des modes de production normative etc.
© 2001 Otto Pfersmann. This HTML edition © 2001 University of Oxford.
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